From Castries to Saül

On estime à plus de 10 000 (Nicolas, 2016) le nombre d’orpailleurs en provenance des Petites Antilles qui ont «peuplé» l’intérieur guyanais entre la fin du 19èmesiècle et la moitié du 20èmesiècle, comme en témoignent encore les noms de nombreux villages éphémères (Florida, Sophie, Dieu-Merci…),

aujourd’hui disparus qui figurent encore sur bon nombre de cartes. La majorité d’entre eux étaient des «sujets» britanniques originaires de l’île de Sainte-Lucie qui subissait alors de plein fouet la crise sucrière (Orru, 2001). Aujourd’hui, une majorité de Créoles guyanais ont des ascendants antillais en lien avec cette période de l’histoire guyanaise et le créole antillais est d’ailleurs encore largement parlé dans l’ouest ou dans les communes de l’intérieur.
Les grandes connaissances ethnobotaniques des personnes originaires de Sainte-Lucie (Tareau, 2019; Grenand et al., 2004) ayant habité dans l’intérieur guyanais seraient notamment dues à l’apprentissage multiple dont a pu bénéficier cette communauté, en plus de ses connaissances insulaires propres, en ayant été en contact prolongé avec les populations amérindiennes et businenge dont elles partageaient les territoires de vie.


Elles sont aussi la conséquence du grand isolement dans lequel vivaient le plus souvent les familles d’orpailleurs créoles, ce qui les contraignait forcément à devoir cumuler un grand ensemble de connaissances au sujet de leur milieu naturel dont elles dépendaient fortement pour subvenir à leurs besoins alimentaires et de santé. De nos jour encore, et bien que vieillissante, cette communauté fait preuve de connaissances extrêmement fines au sujet de la faune et de la flore sylvestres (usages, taxonomie vernaculaire…), du soin par les plantes, des techniques agricoles traditionnelles et, plus globalement, des savoirs liées à la survie en forêt (techniques de chasse et de pêche, canotage, vannerie, orientation en milieu forestier…).

Pourtant toutes ces connaissances naturalistes n’ont que rarement été consignées. Certes, Grenand et al. (2004) ont travaillé avec des Créoles de la région de Saül pour la constitution de leur vaste inventaire des plantes médicinales employées par les Créoles de Guyane. Et dans la remarquable monographie qu’elle a réalisée au sujet des orpailleurs créoles de l’intérieur guyanais, Michèle Baj-Stroebel (1999), ces questions demeurent en filigrane permanent sans être pour autant d’avantage creusées par l’auteure.

Il apparaissait donc comme impératif aujourd’hui, dans une démarche de sauvegarde et de valorisation patrimoniales, d’aller l’écoute de ces populations créoles de l’intérieur guyanais afin de consigner des témoignages de plus en plus rares (et donc précieux) car appartenant à une culture créole de tradition orale en voie d’effacement. Les représentations du monde et du corps dans ces cosmovisions créoles seront bien sûr également largement abordées.

Au cours de plusieurs missions de terrain (à Cayenne, Maripasoula et Saül), Marc-Alexandre Tareau et Thomas Tilly ont été à la rencontre d’ «anciens» de la communauté sainte-lucienne de Guyane, afin de recueillir leurs histoires de vie et leurs connaissances autour de l’environnement (faune, flore).
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